Bras cassés et vertiges rotatoires

AFBO-VertigesSi vous le permettez, et contrairement à ce que j’avais écrit au début de l’été, nous publierons notre billet un dimanche sur deux.

Nos projets se structurent, ils sont prenants et nous obligent même à retarder notre assemblée générale, afin de partager avec nos adhérents nos dernières avancées.

Pendant ce temps, vos témoignages affluent, reflétant tous la même errance : diagnostique, médicale, administrative. Ils nous confortent dans notre obstination à faire reconnaître la maladie grâce à la recherche médicale (diagnostic précoce et prévention).


Ce qu’il y a de bien avec la médecine et la science, c’est qu’il faut prouver ce que l’on avance. Mais au-delà de la prévention médicale, nous avons un impératif : la démonstration incontestable de la causalité entre maladie et travail.

Tant que la maladie sera réduite à un risque, un concept ou uniquement évoquée sous l’angle psy, les malades ne seront jamais pris au sérieux et le caractère professionnel de leur maladie sera difficilement reconnu.


Workaholic

Notre premier objectif est de sensibiliser et d’informer sur la maladie, notre site a été développé en ce sens.

Vos adhésions, témoignages et participations pour aider notre communauté de patients nous aident à grandir et faire entendre notre voix.

Mais force est de constater que cela ne suffit pas. Cette semaine, j’ai du intervenir sur un réseau social professionnel afin d’interpeller un psychologue du travail qui a déclaré dans un grand magazine « le burnout est souvent la maladie des vainqueurs, souvent des personnes très investies, des workaholics ».

Ce genre de déclarations sans fondements scientifiques ne fait que contribuer à culpabiliser les malades et à sous-entendre qu’ils sont à l’origine de leur maladie. Inacceptable ! Surtout lorsque ce psychologue du travail entend accueillir des personnes touchées (2).

L’article en ligne fait également la part belle à des conseils et descriptif sans aucune rigueur scientifique. En naviguant sur ces pages, vous pourrez également y trouver le témoignage d’une très médiatique victime du burnout, qui avoue (selon les interviews d’ailleurs) qu’elle était ambitieuse et qu’elle n’a pas écouté les avertissements de la direction des ressources humaines lors de son recrutement (1).


L’expérience de l’AFBO

La liberté c’est d’avoir le choix, de son médecin, de son avocat. Notre devoir est d’informer et d’alerter. Voici le lien vers cet article, à vous de vous faire une opinion.

AFBO-Compte TwitterIl est regrettable de constater, de nouveau, que la parole est donnée à un acteur qui ne représente pas les personnes touchées, et qui visiblement, les connait mal.

Explications :
un psychologue du travail n’est pas un thérapeute, il ne soigne pas mais contribue à aider les entreprises en matière de politique de ressources humaines (entre autres, recrutement, mise en place d’outils d’évaluation, prévention des risques psychosociaux),

– le terme anglais workaholic désigne les personnes qui considèrent le travail comme une substance addictive ; les seules études fiables en la matière ont été menées il y a de très nombreuses années au Canada où le phénomène avait été reconnu comme marginal, tout comme le constat que nous dressons à l’AFBO (un seul cas de relation pathologique au travail, un seul cas de relation excessive dans tous les domaines de la vie),

– le sentiment de culpabilité de nos protégés ne vient pas de l’isolement mais de la non reconnaissance de la maladie (le diagnostic n’est pas posé, ils ne s’arrêtent « que » pour un épuisement, aussi incapacitant soit-il), et de la non reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.

Ce psychologue du travail aime à écrire que le savoir n’appartient à personne. Sans doute, mais là, il s’agit de nos vies et de notre histoire.


Bras cassés et vertiges rotatoires

Je reviens sur la reconnaissance de la maladie professionnelle. Tant que la maladie ne sera pas reconnue, l’issue de la demande de reconnaissance sera aléatoire. Laisser miroiter que le texte de loi du 17 août 2015 va changer quelque chose aux modalités de reconnaissance est un leurre impardonnable.

Concrètement, lorsqu’un travailleur entame ce parcours du combattant, il lui revient de prouver le lien entre maladie et travail. Mais comment un médecin conseil peut il évaluer une maladie qu’il ne connait pas ?

Les témoignages se recoupent mais cette semaine, j’ai eu le droit à deux perles que j’aimerais partager avec vous… Un médecin conseil explique à l’une de nos témoins « je n’ai pas l’habitude, je connais les bras cassés et les TMS « (3).

Un autre médecin annonce : « avec des vertiges rotatoires, ce serait plus clair ». Vertigineux n’est-ce pas ?

Involontairement, ces médecins ajoutent de la peine à la peine et surtout retardent le  processus de reconnaissance si essentiel à la reconstruction, à la réparation.

AFBO-DiagnosticN’est-il pas temps que le « burnout » et les pathologies de l’épuisement professionnel fassent leur entrée en Faculté de médecine ?

Sachez le, pour nos protégés, le travail n’est pas un moyen de panser une plaie. S’ils ne s’arrêtent pas à temps, c’est pour deux raisons :
– ils sont tenus par un contrat de travail et des responsabilités, au cas où certains l’auraient oublié et
le diagnostic de maladie n’est pas/ou mal posé (dépression = traitements médicamenteux et retour au travail !).

Comme vous l’imaginez, je ne pas tout dire de nos protégés mais il y a des histoires que je ne peux pas oublier. L’un des nôtres a vécu un drame que je ne peux pas dévoiler, je peux juste vous dire que les symptômes physiques n’ont été reconnus par personne. La responsabilité de l’employeur ne fait aucun doute. A aucun moment, l’entourage professionnel n’a eu la présence d’esprit d’orienter vers un médecin.

Il me dit presque mot pour mot : « quand quelqu’un se coupe un doigt dans une entreprise, cela fait tout un pataquès mais pour l’épuisement, on ne fait rien, ça ne compte pas ».

Preuve que traiter le « burnout » sous l’angle « psy » ou sous l’angle de la prévention des risques psychosociaux est loin d’être suffisant.

Si vous voulez faire entendre la voix des malades, n’hésitez pas à nous rejoindre, à faire un don ou à témoigner.

Si vos êtes un nouveau lecteur, voici nos projets sociaux. Vous pouvez aussi nous suivre sur Twitter : @AssoBurnOut

Merci à tous pour  votre soutien.

Auteur : Léa Riposa
Publié le 18 octobre 2015.
(1) Débat télévisé qui n’est plus accessible, diffusé sur France 2 en février 2013, lors d’une journée spécial « burnout »
(2) Interrogée, notre communauté privilégie un forum à des groupes de paroles (sera développé fin 2015 et strictement réservé aux adhérents).
(3) TMS : troubles musculo-squelettiques.