Burnout, conséquences et dérives de l’errance diagnostique

LA PETITE PHRASE
« Tous les cas d’épuisement professionnels rencontrés dans le cadre d’une pratique pluridisciplinaire d’intervenant en santé au travail font apparaître le surengagement comme symptôme central et incontournable de la survenue de cet épuisement ».

C’est ainsi que débute l’étude menée par un cabinet spécialisé, prétendu prétexte à ouvrir le débat sur la reconnaissance du « burnout » comme maladie professionnelle.

Bien que ladite phrase apparaisse au paragraphe « Apports et limites de l’étude » (tout de même), il est difficile de ne pas réagir à l’évocation du caractère « central et incontournable » de ce sur-engagement.

Même si plus loin, il est précisé que « l’épuisement du sur-engagement s’inscrit donc dans une démarche de prévention bien en amont de la pathologie ». Nous voilà rassurés !


DECRYPTAGE
Même si la maladie provient essentiellement de dysfonctionnements d’ordre organisationnel, les malades sont des profils sur-engagés mais si nous intervenons en amont en tant que préventeurs, on pourra enrayer le phénomène.


L’AVIS DE L’AFBO

Toute l’étude est de cet acabit : confusions, approximations, détournements.

Adhérer à une telle thèse reviendrait à manquer à notre mission sociale : défendre les intérêts et les droits des personnes touchées par le syndrome d’épuisement professionnel.

AFBO-Burnout-TempsLes témoignages édifiants qui nous parviennent montrent que même le plus équilibré des collaborateurs ne peut résister à certains modes de management sortis d’un autre âge. Associez ces pratiques à des cadences infernales qui s’installent dans le temps, des propos malveillants et autres comportements s’apparentant à du harcèlement moral et vous obtenez un cocktail toxique.

Les témoignages de nos « protégés » montrent surtout que ces personnes touchées aiment leur travail et ne sont pas coutumières d’actes qu’elles jugent déloyales : arrêt maladie de longue durée, envisager un recours contre son employeur. Ce n’est pas un comportement addictif qui fait tenir ces salariés mais la méconnaissance de leurs droits, sentiment renforcé par un diagnostic qui n’est pas clairement établi.

En effet, la maladie n’existe pas officiellement puisqu’elle est absente des nosographies d’usage (1). Certains médecins ne peuvent pas ou n’osent pas prescrire un arrêt maladie pour épuisement professionnel.

Enfin, laisser entendre que ce sont des profils sur-engagés revient à les tenir en partie responsable de leur maladie pour mieux diluer le rôle joué par l’employeur. Rappelons que la jurisprudence rend désormais l’entreprise responsable de la sécurité physique et mentale de ses salariés.


CONTRE-ARGUMENT et PROPOSITIONS

l’engagement n’est pas le sur-engagement, les deux notions faisant l’objet de définitions distinctes,

– un profil sur-engagé n’exonère pas l’employeur qui reste responsable de la santé physique et mentale de ses salariés (2),

le syndrome d’épuisement professionnel ne peut être réduit à un risque psychosocial, c’est une maladie qui doit être reconnue et traitée comme telle,

la maladie doit être définie et reconnue pour permettre l’introduction aux tableaux des pathologies professionnelles,

– la prévention des risques psychosociaux n’est pas la prévention de maladies, même d’origine professionnelle,

– le syndrome d’épuisement professionnel doit faire l’objet d’une recherche médicale visant à dépister/diagnostiquer la maladie permettant ainsi une prise en charge optimale des malades.

infirmiereC’est le sens de ma lettre Madame la Ministre de la Santé, Marisol Touraine le 5 janvier dernier. Je vous tiendrai informés de la suite qu’il sera donné à notre requête.

Dans l’attente, n’hésitez pas à réagir, à diffuser ou à nous rejoindre si vous souhaitez défendre les malades et faire bouger les lignes.

Auteur : Léa Riposa
Publié le 9 janvier 2015.

 

 

 

 

(1) Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10ème
révision, connue sous le nom CIM-10 ou en anglais ICD-10, publiée par l’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) et le DSM-5 Manuel de diagnostic et statistiques des troubles mentaux publié par
l’Association Américaine de Psychiatrie (APP).
(2) En vertu de l’article L.4121 du Code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’introduction des nouveaux articles L.1152-1 à L.1152-6 du Code du travail vise le harcèlement moral.