Réflexion sur le phénomène

Comme nous l’avons déjà évoqué, le « burnout » connaît une médiatisation grandissante.

A l’heure où le Sénat travaille sur une proposition de loi sur la reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel comme maladie professionnelle, le résultat des enquêtes menées sur le sujet nous incitent à nous interroger.

Dans le seul but d’aider les personnes touchées et avant de faire le point sur les avancées médicales, nous vous livrons quelques unes de nos réflexions.

N’hésitez donc pas à diffuser et ou à réagir : nous contacter


Le « burnout », un phénomène de masse ?

Nous l’avons vu (« Pour aller plus loin »), le terme « burnout » est apparu pour la première fois dans les années 1970 lorsque Herbert J. Freudenberger observa ce phénomène de brûlure interne chez les professions aidantes.

Où en est on depuis cette découverte ? En 2014,  nous confirmons que :

  • le syndrome d’épuisement professionnel (« burnout » en anglais) n’est pas reconnu comme une maladie 
  • les médecins ne s’accordent pas sur une définition unique (épuisement, dépersonnalisation, incapacité à faire face…)
  • le syndrome d’épuisement professionnel n’est ni présent dans la classification CIM-10 (1) ni inscrit au DSM-5 (2).

Ce manque de définition n’est pas anodin car comment mesurer l’ampleur d’un phénomène que l’on ne peut ni identifier ni définir ?

En France, les données du rapport scientifique (septembre 2011) du réseau national de vigilance (3), transmis par l’ANSES (4) ne font que confirmer cette réalité.

Ce rapport indique que, de 2001 à 2009, sur les 47 768 pathologies ayant, selon les experts, un lien possible avec le travail, 22 % sont des « troubles mentaux et du comportement », famille de pathologies effectivement inscrite dans au CIM-10 sans distinction de syndrome d’épuisement professionnel.

Outre l’impossibilité d’évaluer l’importance du phénomène, ce constat est inquiétant dans la mesure où la prise en charge du patient et le parcours de soins dépendent précisément du diagnostic.


Le « burnout », une maladie ?

Si le syndrome d’épuisement professionnel (« burnout ») reste absent de la classification CIM-10, peut – on dire que c’est une maladie ? Non, médicalement et scientifiquement, le terme « maladie » serait donc inutilisable.

On parlera donc de syndrome puisque le « burnout » est plutôt associée à un groupe de 150 symptômes dont beaucoup sont communs à d’autres pathologies établies (dépression, troubles de l’adaptation).


Le « burnout », quel diagnostic ?

En Allemagne, de 2004 à 2009, le DIMDI (5) a procédé à une vaste étude visant à identifier et évaluer les différents diagnostics du « burnout ».

Pour cela, le DIMDI a exploité 36 bases de données en langues anglaise et allemande et a retenu 25 études (sur 826 publications médicales), jugées pertinentes au regard de l’objectif visé.

Dans son rapport d’évaluation, le DIMDI apporte les conclusions suivantes :

  • absence de diagnostic standard et fiable,
  • études descriptives et exploratoires, ne correspondant pas à la construction d’un test scientifique,
  • dans 85 % des cas, les diagnostics sont basés sur des questionnaires d’auto – évaluation, le plus courant étant le « MBI » (Maslach Burnout Inventory), dont on ne peut affirmer la fiabilité en matière de diagnostic puisque le test a été développé à des fins scientifiques,
  • absence d’études longitudinales (échantillon permanent de patients suivi sur plusieurs années),
  • absence d’études chronologiques des symptômes,
  • la dépersonnalisation (cynisme) / le sentiment d’inefficacité : ces « piliers » du burnout (avec l’épuisement émotionnel) ne sont pas jugés pertinents car les résultats des études sont trop hétérogènes et le process d’évaluation hors cadre scientifique,
  • l’épuisement émotionnel : la seule constante parmi tous les résultats obtenus.

Dans son rapport d’évaluation, le DIMDI recommande donc :

  • de définir un cadre scientifique sur cette maladie, ainsi que les critères d’un diagnostic, d’une classification et d’un traitement,
  • de définir un outil de diagnostic,
  • de réaliser une étude épidémiologique,
  • d’étudier le rôle des facteurs neuro – biologiques.

(1) : Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10ème révision, connue sous le nom « CIM-10 » ou en anglais « ICD-10 », publiée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
(2) : appellation commune du Manuel de diagnostic et statistiques des troubles mentaux publié par l’Association Américaine de Psychiatrie (APP).
(3) : rnv3p, Réseau National de Vigilance et de Préventions des Pathologies Professionnelles.
(4) : Agence Nationale de Sécurité Sanitaire Alimentation Environnement Travail.
(5) : Le DIMDI (Deutsches Institut für Medizinische Dokumention und Information) est un institut du ministère fédéral de la Santé en Allemagne (Cologne) – Chargé, entre autres d’évaluer les médicaments, les procédures et les méthodes de santé – Ils ont émis un HTA report (Health Technology Assessment), rapport d’évaluation relatif aux différents diagnostics du syndrome d’épuisement professionnel.

Dernière mise à jour le 22 septembre 2015.